20.01.04
Gênes, l'année judiciaire s'ouvre "en condamnant" les manifestants de juillet
mardi 20 janvier 2004 (21h43) :
Gênes : Le procureur général Porcelli consacre son rapport à la contestation du G8
Gênes : Le procureur général Porcelli consacre son rapport à la contestation du G8
Réquisitoire anti-mouvement
Gênes, l'année judiciaire s'ouvre "en condamnant" les manifestants de juillet
Les manifestations de juillet 2001 avaient des "objectifs déstabilisants" et leur prélude fut le paquet bombe remis quelques jours avant le G8 à une caserne de carabiniers. Les black bloc agirent sous "la couverture des multitudes (comme l'aurait démontré l'enquête de Cosenza)" et les "manifestants pacifiques n'isolèrent pas les violents, ne démontrèrent vis-à-vis d'eux aucune réaction de rejet, mais au contraire - en les accueillant à plusieurs reprises dans leurs rangs - donnèrent l'impression d'adhérer moralement à leurs agissements, en apparaissant complices par leurs comportements". Pendant deux jours il fut impossible de "distinguer les manifestants pacifiques des violents". Domenico Porcelli, qui dirige depuis quelques mois le palais de justice génois, s'attaque à toutes les enquêtes de sa procure, et profite de la cérémonie d'inauguration de l'année judiciaire pour annoncer que la criminalisation du mouvement des mouvements se poursuivra.
Les journées génoises, quand au moins trois cent mille manifestants arrivèrent en ville, horrifiés par la globalisation libérale et par la zone rouge qui protégeait les huit "grands" chefs d'état, se transforment dans sa lecture en une kyrielle d'attaques à des moyens, à des hommes et à des casernes des forces de l'ordre, à la suite desquelles "se vérifia l'explosion de coups d'arme à feu qui touchèrent, en le tuant, Carlo Giuliani, qui à ce moment-là brandissait - paraît-il - un extincteur". Le passage rhétorique sur l'homicide du jeune homme de 23 ans après trois heures d'affrontements provoqués par une charge à froid des carabiniers contre un cortège autorisé, semble le prélude à l'annonciation du classement de l'affaire. M. Porcelli, convaincu que les dernières bombes de la Préfecture de police ont elles aussi la même matrice, semble n'avoir vu que quelques images parmi les milliers d'heures de vidéos tournées entre le 20 et le 22 juillet 2001 : "Les prises de vue d'une femme sans défense écrasée et sauvagement battue par la foule sont affreuses", dira-t-il ensuite en stigmatisant les communications cryptées entre les no global et les écrans en plastique en tête du cortège des désobéissants.
"Révolution et démocratie sont incompatibles", prévient-il en donnant "acte publiquement aux forces de l'ordre du succès" dans la défense de la zone rouge : "Si d'aventure les manifestants avaient enfreint ces barrières, on aurait bien difficilement pu éviter l'effusion de sang par les services secrets étrangers aguerris". "007 prêts à tirer ? !", s'exclame Vittorio Agnoletto, qui fut le porte parole du Genoa Social Forum, "voilà ce que voulait dire M. Scaiola (ministre de l'Intérieur de l'époque : NdT) quand il parla de la licence de tuer ! M. Pisanu (actuel ministre de l'Intérieur : NdT) devrait en référer au parlement sur ce qui apparaît comme une renonciation à la souveraineté".
A l'échec des forces de l'ordre dans la sauvegarde de la sécurité des manifestants, de l'état de droit et de la ville, M. Porcelli consacre à peine une vingtaine de lignes, sur les trois pages dédiées au G8, dans lesquelles, parmi beaucoup de conditionnels, il rappelle les traitements inhumains, les tabassages sans pitié par la police qui se sont produits à l'école Diaz et à la caserne de Bolzaneto. Il jure à la fin qu'il n'y aura pas de remises pour personne, provoquant la colère du défenseur de M. Canterini (fonctionnaire de police : NdT), maître Romanelli, qui estimera le rapport du procureur "une attaque à la police". Plus content Alfredo Biondi, défenseur de M. Troiani, l'un des agents concernés par l'affaire des bouteilles Molotov : "Il (le procureur : NdT) a eu le courage de dire les choses que tout le monde pense, en critiquant les violences de la rue et le fait que la masse n'a pas rejeté les violents". Le problème des forces de l'ordre ? "Du manque d'expérience, du manque d'organisation et d'une direction appropriée".
"C'est la première fois qu'on renonce à la division entre les bons et les mauvais au nom d'une interprétation globale qui criminalise intégralement le mouvement - reprend M. Agnoletto - c'est un rapport totalement politique, gravissime, qui contraste nettement avec la vérité. De plus, on absout les sommets de la police, en glissant sur les vidéos qui montrent les violences, en réduisant les excès à des faits individuels". L'attaque est politique et politique sera la réponse du mouvement : "Qui veut dialoguer avec les mouvements doit assumer aussi ses propres responsabilités", conclut M. Agnoletto, intercepté à Milan par le quotidien Liberazione.
Même l'Association nationale des magistrats, qui a pourtant agité la Constitution, dans une critique convenable et tiède au ministre de la Justice M. Castelli, "conteste l'existence des théorèmes, les enquêtes - a expliqué à "Liberazione" le président ligure de l'Association, Andrea Beconi, - doivent être lues sans préjudices".
Il est surprenant qu'il ait oublié des images affreuses, même celles qui montrent des agents et des militaires qui rouent à terre et à sang, à 10, à 20, le même manifestant sans défense - commente à chaud Dario Rossi, juriste démocratique du Genoa legal forum - surprenante aussi la façon dont il lit des épisodes qui font l'objet de l'attention d'organismes comme Amnesty International, le parlement européen, la commission pour la prévention des tortures des Nations Unies et qui sont au centre de plusieurs demandes de commission parlementaire. Une commission demandée même par M. Canterini (accusé par ses supérieurs mêmes d'être le principal responsable du massacre de l'école Diaz, NdR). "C'est un rapport très dangereux pour le syndicat", dit aussi Raffaella Multedo, qui défend les deux représentants des Cobas (syndicats de base : NdT) "recherchés" par la Procure par une inédite petite annonce payante en style western. Aucune trace du "girotondo" annoncé pour soutenir la magistrature.
La ville démocratique a commenté le rapport de M. Porcelli dans la manifestation contre la guerre qui a eu lieu à Piazza Matteotti, devant le Palazzo Ducale. "Est-il possible qu'avec autant de témoignages et de vidéos il existe encore des personnes qui continuent à ne pas vouloir voir, préférant l'image d'une foule violente - disent Haidi et Giuliano Giuliani, les parents de Carlo, qui viennent de lire les extraits du rapport - il n'y avait absolument aucune contiguïté entre des prétendus violents (où il y avait des infiltrés de tout bord) et un mouvement pacifique qui ne pouvait avoir aussi parmi ses tâches celle de maintenir l'ordre public. Il y a pour cela les forces de l'ordre qui auraient dû agir en cohérence totale avec les prescriptions de la Constitution. Pourquoi ne l'ont-elles pas fait ? Encore une fois, une vraie commission parlementaire d'enquête s'avère de plus en plus nécessaire et urgente".
par Checchino Antonini (traduction de Mc et G.R.)
Publié par "Liberazione"
19.01.2004
Collectif Bellaciao