12.04.05
6 avril 2005, journée de la honte
6 avril 2005, journée de la honte 3 ans 8 mois et 16 jours après, le procès pour le sanglant blitz à l’école Diaz du 21 juillet 2001 a commencé
de Enrica Bartesaghi traduit de l’italien par Karl&rosa
Entassés comme du bétail dans une salle qui pourrait contenir la moitié des personnes présentes, les parties lésées, c’est-à-dire quelques-uns des manifestants qui furent sauvagement frappés, sont debout, les uns à côté des autres, regardent autour d’eux en essayant de comprendre ce qui se passe.
Une dizaine d’eux sont des étrangers et, peut être, pensent-ils que le problème est la langue italienne qu’ils ne connaissent pas, mais les Italiens ne comprennent pas non plus ce qu’on dit dans la salle. Après l’appel, ils comprennent seulement que le procès a été renvoyé au 19 mai et qu’ensuite on en reparle en octobre.
Ils comprennent seulement que le président Di Mattei ne sera plus là parce qu’il a été transféré à un nouveau siège et qu’un autre juge prendra sa retraite entre temps.
Donc pas de juges et pas de procès. Il faut en trouver d’autres, recommencer, qui sait quand. Sur les visages des manifestants la stupeur, la fatigue. Ils sont arrivés à Gênes de l’Allemagne, de l’Espagne, de la Grande Bretagne, ils demandaient justice pour la nuit du 21 juillet 2001, pour avoir été injustement arrêtés, matraqués jusqu’à s’évanouir, parce que nombre d’eux ont été déportés suite à l’arrestation dans le lager de Bolzaneto. Ils n’ont obtenu qu’un renvoi à qui sait quand, la honte continue. Et la prescription pour certains délits approche. Ce renvoi serait-il un hasard? Un hasard le choix de juges qui vont bientôt quitter Gênes? Un hasard s’il y a parmi les inculpés de hauts dirigeants de la Police qui ont été promus entre temps?
J’ai l’impression que derrière tout cela il y a un ordre bien précis : "Ce procès, on ne doit pas le faire !"
En tant que représentants des parties lésées, Lorenzo Guadagnucci, Vittorio Agnoletto et moi, nous demandons à la fin de l’audience une rencontre avec le Président du tribunal (et par la suite un colloque téléphonique avec le Procureur Chef) et nous découvrons ainsi qu’en réalité nous avions mal compris, tous, nous et nos avocats : on ne renvoie pas à octobre, au contraire, déjà en juin un autre juge va s’occuper du procès et il y aura deux audiences par semaine.
On verra, mais nous ne resterons pas silencieux. Ce procès ne concerne pas que les 93 de la Diaz et les 28 policiers inculpés de fausseté idéologique, calomnie, lésions graves, violence privée, endommagements, perquisition arbitraire, coups, vol et endommagements, ce procès concerne tous les Italiens, tous ceux qui ont encore à cœur la démocratie dans notre pays.
A la fin de l’audience j’ai embrassé Lena, Allemande, 23 ans en juillet 2001 : matraquée à plusieurs reprises à la tête et aux épaules, tombée par terre et frappée à coups de pieds au dos et à la poitrine, attrapée par les cheveux et soulevée, frappée de coups de pied aux jambes, jetée contre un mur, matraquée encore et prise à coups de pied à la poitrine et au ventre, traînée ensuite par les cheveux le long de quelques rampes d’escalier, matraquée encore de tous les côtés.
Résultat : traumatisme thoracique abdominal, fractures costales, avec un pneumothorax à droite et une contusion pulmonaire - traumatisme crânien, des contusions multiples, des lésions graves à cause de l’affaiblissement conséquent de 30% de la fonction respiratoire et de la motricité du bras et du cou.
Et pourtant Lena était là, à Gênes, le 6 avril 2005. La plupart des inculpés n’étaient pas là, les parlementaires démocratiques n’étaient pas là, les représentants des mouvements, des girotondi, de la société civile n’étaient pas là, les médias nationaux n’étaient pas là.
Enrica Bartesaghi
Présidente du Comité Vérité et Justice pour Gênes
http://veritagiustizia.it
http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=8190